De Lespesses aux Etats-Unis, le fabuleux destin de Paulette Veste (3/3)
14 août 2018, Paulette Gibbens, 90 ans, monte à bord d’un vol long courrier entre Atlanta et Paris. Elle est accompagnée de son fils, Edward, retraité de l’armée américaine. Mère et fils sont en voyage à Laon, en Picardie. Paulette Gibbens, née Veste, vient passer quelques jours chez son frère, Michel Veste. Les deux frères et sœurs ne se sont pas vus depuis 62 ans ! Fou.1954, Paulette Veste faisait le voyage inverse. Elle pensait alors ne jamais revenir dans l’Hexagone. Elle changera d’avis un peu plus de cinquante ans plus tard. L’histoire est belle, et nous avons la chance de pouvoir la raconter, en exclusivité.
8 juin 2018, la bonne nouvelle tombe, via un mail d’Edward Syfrett, le fils de Paulette Veste : « Ma maman et moi rendons visite à mon oncle Michel à Laon le 14 août ». Enfin ! La championne d’athlétisme est de retour sur le sol français. Les deux journalistes du Pas-de-Calais allaient pouvoir la rencontrer, pour de vrai. Même s’il faut bien l’avouer, Paulette Veste, 90 ans, pétrie d’humilité, a un peu de mal à comprendre pourquoi autant d’intérêt à son égard. 15 août, ce sont les grandes retrouvailles entre les deux frères et sœurs. Fatiguée, Paulette Veste n’en est pas moins heureuse. Heureuse de revoir son petit-frère bien-sûr, de revoir sa ville, Laon, là où elle a grandi, là où elle s’est entraînée. Edward, lui, est heureux aussi, de découvrir les photos de famille bien gardées par son oncle Michel, de rencontrer ses cousins français… tout un pan de son histoire française en somme.
« Pour nous, c’est just mum »
Jeudi 20 août, c’est le grand jour pour nos deux journalistes. Le trajet entre Lillers et Laon avalé en une heure et demi, les voilà en bas de l’immeuble de Michel Veste, impatients de rencontrer la native de Lespesses. Sur le balcon du petit appartement, une grande dame distinguée se dresse, immense sourire aux lèvres. Elle fait un grand signe de la main. Visiblement, le plaisir est partagé. La rencontre dure deux heures, deux belles heures durant lesquelles les reporters lui expliquent ô combien ils sont heureux de la rencontrer enfin, six ans après avoir découvert son existence et son glorieux passé sportif. L’interview se passe en français et en anglais. Paulette Veste a un peu perdu sa langue natale. Pas complètement. Quelques mots de vocabulaire lui manquent. Quand le verbe est trop hésitant, elle demande à ses interlocuteurs. Edward, lui, est un peu surpris de l’enthousiasme français : « Pour nous, c’est « just mum » ! Mais il le sait au fond, sa maman est un personnage hors du commun. Et il n’ignore pas non plus son glorieux passé sportif : « Mes enfants sont au courant depuis toujours, raconte Paulette. À la maison, il y a la Victoire de Samothrace, une statue qui récompense un certain nombre de sélections internationales. Mes enfants et petits-enfants m’ont souvent demandé ce que c’était. En revanche je ne sais pas ce que sont devenues mes médailles » Une jolie carrière, qui s’est arrêtée aussitôt son arrivée aux États-Unis. Paulette Veste ne fera plus de sport, et deviendra une maman à plein temps, élevant ses cinq enfants.
« Si j’avais été un homme, j’aurais fait du football américain »
Divorcée deux ans après son arrivée sur le sol américain, elle se remarie « avec un homme extraordinaire », avec qui elle arpente le territoire américain en camping-car. Veuve depuis l’an passé, Paulette a également perdu sa sœur, Henriette, une femme extraordinaire elle aussi, qui pour la petite histoire, était devenue pilote d’avion. Du haut de ses 90 ans, Paulette Veste, épouse Gibbens, en plus de cultiver son jardin, regarde les compétitions sportives à la télévision… ce qui n’est pas sans lui rappeler, ses exploits, ses voyages… Mais ce qui lui plaît le plus, c’est le football américain. Paulette s’en amuse : « Si j’avais été un homme, je pense que j’aurais fait ce sport-là. » Bien ancrée dans la culture américaine, mais pas à 100%. Paulette adore manger des escargots… d’origine France seulement. Et elle rêve aussi à un bon steak de cheval, comme elle mangeait petite. Elle n’a pu le faire cet été, mais les deux journalistes français se sont promis de lui offrir ce plaisir quand elle reviendra. Parce qu’elle compte revenir notre héroïne, et elle se rendra à Lespesses, pour se recueillir sur la sépulture de ses parents, et retrouver encore des images de son enfance. A.Top