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Lillers: Flavie sort de l’oubli un GI mort pour la France



Une élève du lycée Anatole-France à Lillers a décidé de marrainer la tombe d’un aviateur abattu en Normandie en 1944. Mais Flavie a voulu en savoir plus sur Joseph Playford, privé depuis 70 ans de son histoire personnelle et familiale. À la manière d’un cold case, elle a fini par reconstituer les dernières secondes de ce New Yorkais qui n’a jamais revu son Amérique natale.
Visiblement, il n’existe plus personne aux États-Unis pour entretenir la mémoire de Joseph Playford. Ce héros de guerre est tombé à 27 ans sous les canons de la DCA allemande. La famille de ce New Yorkais vivait dans une maison modeste sur Dale Avenue, dans le quartier de New Dorp, sur l’île de Staten Island. Depuis, elle s’est dispersée ou s’est éteinte.
C’est du moins la conclusion de Flavie Bodart, lycéenne apprentie historienne. La Lilléroise est passionnée « depuis ma plus tendre enfance par l’Histoire, particulièrement celle de la Seconde Guerre mondiale. » Une passion que son père Jérôme est parvenu à lui transmettre.

J’ai d’abord été intriguée par la date de son décès : 21 janvier 1944. »

En 2019, après un énième pèlerinage sur les plages du Débarquement, elle décide dans le cadre du devoir de mémoire de marrainer l’entretien d’une tombe de soldat. C’est au cimetière de Colleville, en surplomb de la mythique Omaha Beach. Pour cela, « J’ai répondu à la proposition de l’association Les fleurs de la mémoire », explique-t-elle. On ne lui livre alors qu’un nom et un emplacement, perdu au milieu de 70 hectares. Rien de plus frustrant et de plus anonyme. « J’ai alors voulu en savoir plus. J’ai d’abord été intriguée par la date de son décès : 21 janvier 1944. » C’est effectivement plusieurs mois avant le D Day. Étrange. Une date mal relevée ? Non, pas d’erreur : c’est bien à ce moment.

Le visage souriant de Joseph lui apparaît
« Le plus grand moment, cela a été de pouvoir associer un nom et un visage. » Dans les archives en ligne, Flavie déniche une, puis deux, puis trois photos de son héros à des âges différents. Un sourire apparaît, celui un jeune homme insouciant et énergique. Le matin, quand le soleil se levait au-dessus de Lower Bay, à deux pas du domicile de ses parents, Joseph pensait à la guerre qui ravageait l’Europe. Au large, il imaginait les côtes de la France, alors aux mains d’Hitler.
« Joseph est sans doute né en 1923. Il avait deux frères et deux sœurs. Il est l’aîné. Sa maman se prénommait Alma : elle a eu Joseph quand elle avait 23 ans. » Ces renseignements précieux ont été collationnés grâce au recensement de 1940. Ensuite, Flavie perd la trace de Joseph : elle doit encore découvrir dans quelles circonstances le New Yorkais s’est retrouvé dans le bombardier B-24 qui survolait la Normandie en janvier 1944. Cet homme, visiblement d’origine modeste, s’est-il engagé, comme c’est probable, ou a-t-il été mobilisé ?

Quand le drame s’est produit, il était dans sa tourelle de combat. »

En tout cas, l’histoire se termine de façon atroce pour cet équipage de dix hommes du 68e Bomb squadron. « Il était mitrailleur. Quand le drame s’est produit, il était dans sa tourelle de combat. » À force de patientes recherches, Flavie a fini par dégoter le témoignage d’un des trois survivants du crash, qui s’est exprimé quelques semaines avant sa mort. Le récit est aussi glaçant que l’endroit où l’avion s’est écrasé à Neuville-Ferrières, après qu’un chasseur de la Luftwaffe ait mitraillé le cockpit et abattu le pilote. « De l’escadrille de sept avions qui a décollé du sud de l’Angleterre pour bombarder une base de V1, six appareils ont été abattus. Et sur les dix hommes qui avaient pris place dans le Vailant Lady, l’avion de Joseph, sept sont morts dans le crash. »

Les dix hommes du 68e Bomb squadron

Le décès de Joseph, peu après 15h 36, est particulièrement terrible aux dires du sergent Richard Allen, qui sauta en parachute, avant de tomber dans les mains de la Wehrmacht : « J’ai vu le sergent Playford se précipiter hors de la tourelle, son corps formait une torche humaine. »
La lycéenne ne veut pas retenir que cela de cet homme, qui a mis son corps en aventure pour la liberté. Comme tous les ans, Flavie ira fleurir sa tombe en juin. Pour célébrer l’optimisme et l’énergie qui se dégageait du soldat. À ce moment, Flavie en aura sans doute fini avec le confinement. Mais pas avec Joseph, qui quelque part est devenu un parent. Bertrand Haquette pour Votre Info

Le registre de recensement sur lequel Flavie a trouvé la trace de Joseph.

 

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